Veille n°5 : L’édito du Labo

(Partie 1 sur 3)

 

veille mensuelle Labo EMISE / Observatoire de l'impact social

Cette fin d’année académique a été marquée par deux fusions particulièrement intéressantes pour l’écosystème naissant, en France comme à l’étranger, de l’investissement à impact : la fusion du Sustainability Accounting Standards Board (SASB) avec le International Integrated Reporting Council (IIRC)et celle de Finansol avec l’Impact Invest Lab pour devenir FAIR.

 Bien que la première soit une fusion d’entités qui évoluent principalement dans l’écosystème de la RSE et pertinente pour l’Investissement Socialement Responsable (ISR), ces fusions pourraient être le signe d’un début d’homogénéisation de l’écosystème de l’investissement à impact à l’international comme en France, et soutenir l’idée que l’investissement à impact, qui est actuellement encore un champ émergent (c’est-à-dire encore fragmenté selon l’approche institutionnaliste développée par Powell et DiMaggio ), devient progressivement un champ mature (plus stable institutionnellement avec à terme des cohabitations organisées entre les acteurs, ou du moins peu de logiques institutionnelles contradictoires).

 La fusion entre le SASB et le IIRC a donc pour objectif la construction de standards globaux de reporting de la durabilité (‘sustainability’) et vient renforcer les travaux de l’automne dernier du World Economic Forum avec le International Business Council sur des indicateurs communs de reporting, les ‘stakeholder capitalism metrics’. Ces metrics, principalement des metrics ESG pertinents pour l’ISR et identifiés par les “Big Four”, représentent 21 ‘core metrics’ et 34 ‘expanded metrics’ basés sur les ODD. On y retrouve trois metrics qui pourraient être reliés à l’évaluation d’impact : l’intentionnalité des objectifs, l’engagement des parties prenantes (Pilier 1: Gouvernance), ainsi que la R&D (Pilier 4: Prosperity), si l’on reprend l’idée que l’évaluation d’impact s’inscrit, et prend tout son sens, dans une démarche d’amélioration continue pour les parties prenantes.

 Il serait donc possible de partir des travaux internationaux de standardisation autour de l’ISR pour tendre vers une plus grande structuration du secteur de l’Investissement à impact (dans le sens strict de la catégorie C du classement de l’IMP), en s’appuyant par exemple sur le désir des entreprises de bénéficier de la légitimité de ces entités transnationales dans le cadre de ce qui reste une forme de régulation soft, c’est à dire sur leur intérêt à partager des bonne pratiques tant que le reporting sur l’impact n’est pas obligatoire dans la régulation nationale pour tous les investisseurs.

Le risque d’une standardisation trop rigide de l’évaluation d’un sujet complexe comme celui de l’impact social et environnemental est de dénaturer la réalité de cet impact, au détriment des parties prenantes de ce ‘stakeholder capitalism’, pour lesquels l’impact évalué risquerait de rester superficiel s’il n’était pas appréhendé dans toute sa complexité. De nombreux chercheurs en appellent ainsi à davantage d’évaluations d’impact ‘sur mesure’ avec des combinaisons de méthodes et davantage d’apports qualitatifs, la solution reposant sans doute dans une combinaison des deux niveaux de standardisation et de spécificité.

 En France la fusion entre Finansol et L’Impact Invest Lab sous le nom de FAIR,  nouveau ‘collectif des acteurs de la finance à impact social’, a pour objectif de ‘fédérer les acteurs de la finance à impact social et, à l’international, d’être un pôle d’expertise français dans ce domaine’.

En fusionnant et en se dotant d’un nouveau conseil scientifique présidé par Thierry Sibieude et incluant un groupe de travail sur l’évaluation d’impact social, ce nouveau collectif aura un rôle important à jouer dans la structuration internationale des cadres de l’investissement à impact grâce à son expertise de la finance solidaire (Finansol) et des contrats à impact social (II-Lab).

Un nouveau rapport (La Inversión de Impacto en España: Oferta de capital, segmentación y características, Juin 2021) vient de chiffrer à 2,3 milliards d’euros le montant d’encours pour l’investissement à impact sous gestion en Espagne en s’appuyant sur une nouvelle méthodologie de définition de l’Investissement à Impact par nos collègues professeurs chercheurs d’ESADE Business School à Barcelone. Il sera donc intéressant de travailler avec nos partenaires européens sur cette structuration de l’écosystème, qui passera indéniablement par la définition d’un langage commun et des standards (même partiels) d’évaluation partagés pour favoriser ce mouvement de maturation du champ. Ce dialogue sera d’autant plus riche et intéressant que la France est un des pionniers de la Finance solidaire en Europe et dans le monde. Ainsi Sophie Faujour (EVPA) souligne dans la Newsletter de Finansol de Juin que ‘Dès les années 1990, la France a pratiqué la finance à impact avant l’heure ! Et ce n’est pas fini. Les pouvoirs publics veulent faire de la France le leader mondial de la finance à impact.’

Dans le même ordre d’idée, dès 2014 Nicole Alix et Adrien Baudet encourageaient les acteurs de l’investissement à impact à s’appuyer sur la longue expérience de la finance solidaire et ses principes de corrections d’informations par le jugement humain (‘collaborations entre nuanceurs et nuancés’) pour ‘éviter un marché autonome et fragmenté d’impacts sociaux’

On peut donc espérer que les travaux et les activités de plaidoyer du collectif FAIR sur l’investissement à impact contribueront à concevoir des cadres d’évaluation d’impact social internationaux qui puissent structurer sans la dénaturer d’une part, ni la brider dans son développement avec un cadre qui s’avérerait trop limitant d’autre part, la démarche d’investissement à impact .

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