Veille mensuelle française et internationale de l’évaluation d’impact social n°6

 

 

LA RÉFLEXION DU MOIS : L’APPROPRIATION DE L’ÉVALUATION D’IMPACT SOCIAL PAR LES FINANCEURS PRIVÉS (2/2)

 

Cette note de veille fait suite à la précédente sur les financeurs à impact et leurs enjeux vis-à-vis de l’EIS et vise à explorer les cadres et outils que les acteurs de la finance à impact utilisent pour mettre en œuvre l’évaluation d’impact social. Il fait suite à un premier article sur le profil et les enjeux des financeurs à impact (cf. Veille n°5).

 

Les cadres et les outils méthodologiques de l’évaluation d’impact social appliqués à la finance à impact et à la philanthropie

De nombreux cadres d’évaluation des impacts sociaux et environnementaux ont été développés au cours des dernières décennies pour les financeurs. Nous avons fait le choix de n’en citer que quelques-uns, afin de donner, non pas une vision exhaustive mais une synthèse des principaux référentiels et outils qu’ils utilisent.

 

Les ODD

Les Objectifs de Développement Durable (ODD), adoptés par l’Organisation des Nations Unies (ONU) en 2015 dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, constituent un des cadres de référence pour évaluer l’impacts social de la finance. Il s’agit de 17 objectifs déclinés en 169 cibles, eux-mêmes subdivisés en 232 indicateurs

Figure 1 : La part des investisseurs à impact s’alignant avec chacun des 17 Objectifs de Développement Durable – Source : GIIN. (2020) Impact Annual Survey

Plusieurs initiatives ont vu le jour pour décliner la vision que représentent les ODD en cadre d’évaluation d’impact concret. Le Réseau Social Value France identifie ainsi, dans un article publié sur le site de l’Avise, 3 moments de l’évaluation où les mobiliser :

  • Au démarrage de l’évaluation pour illustrer et légitimer l’action des organisations
  • Au cours de l’évaluation en utilisant les indicateurs liés aux ODD comme cadre de référence ou source d’inspiration
  • Dans le cadre d’un dialogue entre différents acteurs économiques et institutionnels.

 

L’OCDE et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) ont publié en mai 2021 un cadre commun, les standards d’impact pour le développement d’une finance durable,  qui s’appuient sur les travaux du PNUD et sur les ODD et s’adressent aux institutions financières de développement et aux gestionnaires d’actifs. Ce cadre propose 4 standards :

  • Stratégie d’impact : il s’agit de développer des objectifs d’impact fondés sur les ODDs ;
  • Approche de gestion des impacts : il s’agit de considérer dans son approche les impacts du développement, la protection des droits de l’homme, des ODDs et des critères ESG ;
  • Transparence et responsabilité : il s’agit de rendre compte aux donateurs et aux bénéficiaires de la manière dont l’impact est pris en compte et mesuré ;
  • Gouvernance : les engagements en faveur des ODD se reflètent dans les pratiques de gouvernance de l’organisation.

 

Le French Impact mène un groupe de travail composé de 18 membres de 9 pays dans le cadre de la « Global Action to promote Social and Solidarity Economy Ecosystems » lancée par l’OCDE et financée par l’Union Européenne, sur l’intégration des ODD à l’évaluation d’impact social. Ces travaux ont mené à des conclusions intermédiaires le 6 juillet. L’intégration des ODD pourrait ainsi constituer une base de preuve de l’impact à destination des acteurs publics et surtout des investisseurs. Les résultats définitifs seront présentés le 12 octobre 2021.

Figure 2 : Illustration de l’événement de restitution des résultats intermédiaires dans le cadre des travaux du consortium sur l’application des ODD à l’évaluation d’impact 

Parmi les critiques formulées contre les ODD figurent le fait qu’ils sont parfois considérés comme trop macroéconomiques, davantage adaptés à des États ou des collectivités, comme manquant d’ambition ou de cohérence, comme difficiles à évaluer de manière quantitative, et enfin comme difficiles à mettre en œuvre et à suivre dans la durée, notamment au niveau d’une organisation.

 

L’Impact Management Project (IMP)

La démarche développée par lImpact Management Project (IMP) s’adresse quant à elle aux entreprises et investisseurs qui veulent prendre en compte les critères ESG, voire contribuer positivement à des objectifs globaux de développement durable. L’IMP définit l’impact comme « un changement conduisant à un résultat (outcome) causée par une organisation. Un impact peut être positif ou négatif, intentionnel ou non intentionnel. » L’impact repose dans ce cadre sur 5 dimensions, subdivisées en 15 catégories de données :

  • Quoi ?
    • Quel est le niveau d’effet éprouvé par les parties prenantes en contact avec l’organisation ? Est-il positif ou négatif ?
    • A partir de quel seuil (défini à l’échelle nationale ou internationale) le résultat est-il considéré comme positif ?
    • Les parties prenantes visées accordent-elles de l’importance à cet impact ?
    • A quel(s) Objectif(s) de Développement Durable le résultat peut-il être relié ?
  • Qui ?
    • Quels types de parties prenantes sont impactés ?
    • Sur quel territoire a lieu l’impact ?
    • Quelle est la situation de base des parties prenantes sur la dimension évaluée avant l’intervention de l’organisation ?
    • Quelles sont les caractéristiques sociodémographiques des parties prenantes visées ? Leurs comportements ? Les caractéristiques de l’écosystème dans lequel elles évoluent ?
  • Combien ?
    • Combien y a-t-il de bénéficiaires de l’action ?
    • Quelle est l’ampleur des effets observés ? (Écart entre la situation de base et le niveau d’effet éprouvé par les parties prenantes en contact
    • Quelle est la durée des effets sur les parties prenantes ?
  • Contribution
    • Les changements observés seraient-il intervenus de toute façon sur les parties prenantes sans l’action évaluée ?
    • Quelle est la durée de ces changements qui seraient intervenus de toute façon sur les parties prenantes sans l’action évaluée ?
  • Risque
    • Quel est le type de risque qui remettrait en question la survenue des effets attendus pour les parties prenantes ou la planète ?
    • Quel est le niveau de ce risque (Calculé à partir de sa probabilité de se produire et l’intensité des conséquences pour les parties prenantes ou la planète) ?

 

L’IMP a développé une approche spécifique aux investisseurs désireux de mesurer leurs impacts qui repose sur une matrice à deux entrées :

  • En ligne une échelle de contribution de l’investisseur de 1 à 6 reposant sur 6 critères :
    • Indiquer l’importance d’avoir un impact ;
    • Participer activement ;
    • Développer une activité sur de nouveaux marchés ou des marchés mal approvisionnés ;
    • Fournir des capitaux flexibles, en reconnaissant que certains types d’entreprises doivent accepter un rendement financier ajusté au risque plus faible pour générer certains types d’impact.
  • En colonnes, une échelle d’impact à 3 niveaux :
    • Agir pour éviter de nuire ;
    • Profiter aux parties prenantes ;
    • Contribuer à des solutions.

Figure 3 : La matrice des classes d’impact selon la contribution de l’investisseur et l’impact des actifs – Source : Impact Management Project

Parmi les critiques faites au cadre proposé par l’IMP figurent le fait qu’il constitue une vision très standardisée et simplifiée de l’impact social qui ne prend que peu en compte la spécificité des organisations.

 

Les Operating Principles for Impact Management de l’IFC

Le cadre des « Operating Principles for Impact Management”, développé par l’International Finance Corporation (IFC) du groupe Banque mondiale et adopté par 136 investisseurs à impact, met en avant 9 principes qui éclairent les investisseurs sur la conception et la mise en œuvre de leurs systèmes de gestion de l’impact, en veillant à ce que les considérations d’impact soient intégrées tout au long du cycle de vie des investissements. Ces principes obéissent à la chronologie suivante :

 

INTENTION STRATÉGIQUE

  • Définir des objectifs d’impact cohérents avec la stratégie d’investissement et alignés avec les ODD ou d’autres objectifs largement partagés ;
  • Gérer l’impact à l’échelle du portefeuille d’investissements. Aligner l’intéressement des porteurs de projet avec les objectifs d’impact au même titre que la performance financière ;

CRÉATION ET STRUCTURATION

  • Identifier la contribution du Gestionnaire d’actifs à la concrétisation des impacts ;
  • Estimer l’impact attendu de chaque investissement, en se fondant sur une approche systémique ;
  • Estimer, prendre en compte, suivre et gérer les impacts négatifs potentiels de chaque investissement ;

GESTION DU PORTEFEUILLE

  • Suivre la progression de chaque investissement dans la réalisation des impacts par rapport aux attentes et réagir de manière appropriée en fonction des résultats obtenus ;

IMPACT A LA SORTIE DES INVESTISSEMENTS

  • Mener à bien les sorties des investissements en prenant en considération la durabilité des impacts ;
  • Vérifier, documenter et améliorer les décisions et processus sur la base des impacts obtenus et des enseignements tirés ;

VÉRIFICATION INDÉPENDANTE

Partager publiquement chaque année des informations sur l’alignement de son système de gestion d’impact avec les 9 principes et réaliser régulièrement des revues indépendantes de celui-ci.

 

La base IRIS+ et le guide Compass du GIIN

Le Global Impact Investing Network (GIIN) est l’auteur de la base IRIS+ qui recense depuis 2008 des indicateurs de performance à l’intention des acteurs de l’investissement d’impact. En 2021, le GIIN a publié le Compass, un guide méthodologique pour ce même public. Celui-ci s’ articule autour de 3 axes :

  • L’ampleur des impacts : mesurer l’augmentation quantitative des impacts permises par l’investissement ;
  • La progression des impacts : mesurer l’évolution annuelle des changements afin de permettre aux investisseurs de la relier à une tranche de financement donnée ou un ensemble d’actions menées ;
  • L’efficience : mesurer l’impact obtenu en le rapportant aux fonds investis.

 

Le Compass propose de s’appuyer sur 6 facteurs pour arbitrer les décisions d’investissement à impact :

  • Les objectifs de rendement financier ;
  • Les objectifs d’impact ;
  • La tolérance au risque financier ;
  • La tolérance au risque d’impact ;
  • La capacité en ressources ;
  • Les contraintes de liquidité.

 

Il suggère enfin une méthodologie de mesure des impacts en 4 étapes :

  • Déterminer quelle est la décision à éclairer par l’évaluation et la mesure des impacts, en fonction de l’étape du processus d’investissement concerné :
    • Construction du portefeuille : Quels types d’opportunités d’investissement sont les plus susceptibles de permettre au financeur d’atteindre ses objectifs d’impact tout en respectant ses objectifs de risque, de rendement et de liquidité ?
    • Due diligence : Quels investissements ont le plus grand potentiel pour créer un impact ? Quel est le niveau d’impact probable de ces investissements ?
    • Gestion de l’investissement : Dans quels domaines les performances en matière d’impact sont-elles inférieures ou supérieures aux initiatives similaires ? Comment le financeur peut alors s’engager auprès des porteurs de projet ?
    • Sortie ou cession de l’investissement : Quand et comment le financeur doit-il se retirer, compte tenu de ses objectifs d’impact et du mandat de son organisation ?
    • Reporting et publications : Quel impact le financeur a-t-il obtenu et peut-il communiquer? Quelle est l’ampleur de cet impact en comparaison de ses objectifs, de l’impact de ses pairs et des problèmes qu’il cherche à résoudre ?
  • Collecter des données d’impact standardisées sur les dimensions suivantes :
    • Le contexte de la structure financée ;
    • Le contexte de l’investissement ;
    • Les impacts obtenus (et en particulier, l’ampleur, le degré, la durée et la fluctuation des changements) ;
    • Des données fondées sur des preuves, notamment concernant les indicateurs, des hypothèses et une théorie du changement formalisée (Fondés sur des données issus de la recherche de terrain et académique) ;
    • La notion de seuil de performance sociale et/ou environnementale.
  • Analyser les données, notamment en :
    • S’appuyant sur les données fondées sur des preuves pour éclairer les résultats obtenus ;
    • Uniformisant et normalisant les données collectées ;
    • Produisant des chiffres clés d’analyse liées aux 3 dimensions d’ampleur des impacts, de progression des impacts et d’efficience de l’investissement évalué.
  • Mettre en perspective les résultats :
    • Comparer les impacts obtenus avec les objectifs, et/ou les résultats passés, et/ou un groupe de comparaison et/ou la progression attendue pour atteindre les Science Based Targets (SBT) ou les Objectifs de Développement Durable (ODD) ;
    • Utiliser les résultats pour prendre des décisions en fonction de l’étape du processus d’investissement concerné.

 

Pour comparer les impacts de différents investissements, le GIIN propose par exemple de calculer l’efficience de chacun en calculant les impacts obtenus par million de dollar dépensé.

Figure 4 : Calcul de l’efficience de l’investissement – Source GIIN, COMPASS : The Methodology for Comparing and Assessing Impact

Le GIIN précise qu’il existe cependant quelques limites à l’approche développée dans le Compass :

  • Elle se focalise sur le point de vue de l’investisseur plutôt que sur celui de l’entreprise en portefeuille ;
  • L’approche retenue, en se fondant sur la normalisation des résultats, prend le parti d’une progression linéaire des impacts alors même que ceux-ci progressent sans doute de manière non linéaire ;
  • La méthodologie vise une meilleure comparaison des résultats liés à des investissements différents mais cela n’est pas toujours possible dans les faits ;
  • Les impacts estimés avec cette méthode ne reposent pas forcément sur des évaluations d’impact rigoureuses.

 

L’Impact Measurement and Management (IMM) d’EVPA

L’European Venture Philanthropy Association (EVPA) a publié en 2015 un guide pratique pour la mesure et la gestion de l’impact. Plus récemment, l’EVPA a développé une approche fondée sur l’analyse des pratiques les plus répandues parmi les investisseurs en matière d’évaluation et de gestion des impacts,  sous forme de tableaux dynamiques et de cas pratiques. L’EVPA identifie plusieurs traits communs à ces acteurs :

  • Ils se concentrent sur la définition d’indicateurs de résultats, qui sont beaucoup plus instructifs sur la qualité d’une intervention que les indicateurs de réalisation ;
  • Ils exploitent les données d’impact recueillies de diverses manières ;
  • Certains d’entre eux évaluent également le risque de ne pas atteindre l’impact escompté;
  • Ils gèrent une série de cadres, d’outils et d’indicateurs liés à l’évaluation et la gestion de l’impact.

Figure 5 : Tableaux dynamiques développés par l’EVPA sur les méthodes et outils d’évaluation d’impact – Source : EVPA

Dans son Investing for Impact Toolkit, EVPA propose aussi aux investisseurs à impact de prendre en compte cinq facteurs pour définir le périmètre de gestion de l’impact :

  • Pour quelle(s) raison(s) souhaite(nt-ils) mesurer l’impact social ?
  • Quelles sont les ressources qu’ils peuvent consacrer à la mesure de l’impact, que ce soit des ressources financières, humaines, technologiques et en temps ?
  • Quel est le type de porteurs de projet avec lesquels ils travaillent ?
  • Quel est le niveau de rigueur qu’ils exigent dans leur analyse d’impact ?
  • Quel est leur calendrier pour réaliser l’évaluation d’impact social ?

 

Le cadre du Groupe de travail FIR – France Invest

Plus succinct, le guide de FRI et France Invest sur l’investissement à impact identifie la mesure d’impact comme une de ses trois caractéristiques (avec l’intentionnalité et l’additionnalité). Il précise que celle-ci doit s’appuyer sur :

  • La mobilisation d’indicateurs de mesure d’impact :
    • Définis comme des indicateurs de résultats et d’impact issus de la chaîne de valeur de l’impact ;
    • Mesurant une intensité, une ampleur du changement et en identifiant le bénéficiaire ;
    • Comparables avec un scénario de base afin de les remettre dans leur contexte ;
    • Fondés sur une méthodologie transparente (Mention des hypothèses et des marges d’erreur utilisées) ;
    • S’appuyant sur les standards méthodologiques internationaux existants ;
    • Quantitatifs principalement et qualitatifs si nécessaire.
  • L’élaboration d’un reporting d’impact qui puisse :
    • Informer de l’avancée de la stratégie d’impact pour chaque étape du processus d’investissement (sélection des structures, vie et sortie du portefeuille) ;
    • Qualifier la nature des résultats en fonction de :
      • Leur place dans la chaîne de valeur ;
      • La contribution de l’investisseur à l’impact ;
      • La fiabilité des données ;
      • La temporalité de la mesure d’impact ;
      • Les choix méthodologiques ;
      • L’identification des limites.
    • L’alignement des intérêts, financiers et d’impact, notamment en :
      • Intégrant des critères d’impact dans la rémunération variable des financeurs et du management des entreprises en portefeuille ;
      • Partageant des frais de gestion ou de l’intéressement aux résultats avec des structures philanthropiques qui servent la même thèse d’impact.

 

Les auteurs de la publication précisent que plusieurs questions restent en suspens :

  • Le calcul de l’impact net pour lequel il ne semble pas y avoir de méthodologie communément acceptée et qui suppose la mesure des externalités négatives de l’investissement ;
  • Le périmètre de l’impact pris en compte dans la mesure.

 

Le Social Return On Investment (SROI)

Le Retour Social Sur Investissement, SROI en anglaise, est une méthode inspirée de l’analyse coût-avantage et du reporting social. Elle a été initiée au début des années 2000 par le Roberts Enterprise Development Fund (REDF) à San Francisco, diffusée par des think tanks britanniques, en particulier la New Economics Foundation (NEF), en particulier via le SROI Network, devenu Social Value International (SVI) suite à une fusion avec la Social Impact Analysts Association (SIAA). La méthode a été popularisée par le gouvernement britannique lors de la publication par le UK Cabinet Office for Third Sector en 2009 d’un guide officiel sur la méthode SROI (Community Sector Council NL, 2013). Il a été traduit en français par l’ESSEC Business School en 2011 et mis à jour en 2012. Le SROI y est défini comme “un cadre d’analyse pour mesurer et rendre compte d’une conception élargie de la valeur incluant les coûts et les bénéfices à la fois sociaux, environnementaux et économiques”

Il repose sur 7 principes qui cadrent la manière dont cette méthode doit être utilisée :

  • Impliquer les parties prenantes,
  • Comprendre ce qui change,
  • Évaluer ce qui compte,
  • N’inclure que ce qui est « matériel »,
  • Ne pas surévaluer,
  • Être transparent,
  • Vérifier les résultats.

 

6 étapes permettent de la mettre en œuvre. Il s’agit de :

  • Définir son champ d’application (les objectifs de l’étude, le périmètre, les ressources nécessaires, le calendrier, etc.) et identifier les principales parties prenantes ;
  • Exposer le changement, au travers d’une carte des impacts qui met en évidence la relation entre les contributions (« inputs »), les activités, les réalisations (« outputs ») et les résultats (« outcomes ») ;
  • Attester les résultats et leur attribuer une valeur en collectant des données sur les indicateurs identifiés et en leur donnant une durée et une valeur monétaire ;
  • Déterminer l’impact en neutralisant tous les changements dont la source est extérieure à l’activité évaluée ;
  • Calculer le SROI en additionnant tous les bénéfices, en déduisant les effets négatifs et en comparant la somme de la valeur sociale créée et l’investissement (somme des contributions) nécessaire pour le réaliser ;
  • Rendre compte, utiliser et intégrer les résultats et les enseignements du SROI en les partageant avec les parties prenantes, en l’utilisant pour améliorer l’intervention évaluée et en mettant en place un suivi régulier de l’impact social.

 

Les atouts et limites de la méthode SROI ont été mis en évidence dans plusieurs travaux (Baudet, 2018 ; Maier, Schober, Simsa, & Millner, 2015 ; Chiapello, 2015 ; Mertens et Maree, 2012). Certains bénéfices ressortent fortement :

  • Parmi les plus de 40 approches développées pour évaluer l’impact social (Stevenson et al. 2010), la méthode SROI est l’une des plus répandues. Elle constitue donc un référentiel largement partagé et qui suscite un large consensus.
  • La réalisation d’une étude SROI contribue à asseoir la légitimité d’une action en donnant une valeur monétaire à ses effets (Maier et al., p. 9) dans un domaine de plus en plus exposé à des logiques concurrentielles (Arvidson et Lyon 2014 ; Ebrahim et Rangan 2010 ; Hall 2014 ; Manetti 2014).
  • Le recours au SROI permet à l’organisation étudiée de clarifier ses objectifs, d’expliciter ses hypothèses, de définir ses besoins et ses risques, et ainsi de suite, permettant une prise de décision plus transparente (Maier et al,. p. 12).

 

Les critiques faites au SROI sont de plusieurs ordres :

  • La méthode SROI reposerait sur une conception utilitariste de la société, l’idée que le but de chaque individu est de maximiser son utilité, une approche éthique en contradiction avec la vision kantienne mais également la vision proposée par de nombreuses religions (Maier et al., p. 12).
  • Le recours au SROI présume également que l’on peut comparer différentes entités à partir d’une même unité de mesure (en l’occurrence, des euros, des dollars, etc.). Cette réflexion ramène à une vision monétaire des éléments souvent considérés comme inestimables, comme la vie humaine, la santé, la nature (Maier et al., p. 12). Certains acteurs considèrent cependant qu’en traduisant des impacts souvent ignorés dans le langage de l’argent, la méthode SROI pourrait les mettre en lumière (Edwards et al., 2010 ; Jardine et Whyte, 2013).
  • Malgré l’utilisation d’une même unité de mesure, l’immense variation des secteurs, des contextes sociaux, politiques, économiques et le degré inégal de rigueur d’applications de certains éléments techniques comme l’actualisation impliquent que les études fondées sur la méthode SROI (et en particulier le ratio obtenu) ne peuvent pas souvent faire l’objet de comparaison entre elles (Arvidson et al., 2010, p. 13; Maier et al., 2015, p. 19).
  • Les organisations, notamment si l’étude est menée en interne, sont tentées de ne mettre en avant que les effets qui mettent valorisent leur action, plutôt que d’intégrer des effets négatifs (Community Sector Council NL, 2013, p. 5), particulièrement dans un contexte de mise en concurrence pour accéder aux financements (Arvidson et al., 2010, p. 15).

 

 

 

L’approche Impact Multiple of Money (IMM)

Harvard Business Review, le Rise Fund (un fonds d’investissement à impact de 2 milliards de dollars pour les entreprises en phase de croissance géré par TPG Growth) et le Bridgespan Group (une société mondiale de conseil en impact social) ont produit l’outil de « l’impact multiple of money » (IMM). Cet outil est une forme de SROI simplifiée. Cette méthode a vocation à être étendue à d’autres fonds au travers de l’initiative Y Analytics.

Cet outil tente d’apporter la rigueur de la mesure du rendement financier à l’évaluation de l’impact social et environnemental et permet d’estimer, avant tout engagement financier, la valeur financière du bien social et environnemental susceptible de résulter de chaque dollar investi.

Voici les six étapes à suivre :

  • Évaluer la pertinence et l’échelle : L’entreprise a-t-elle un impact social ou environnemental potentiellement mesurable ? Combien de personnes son produit ou son service touchera-t-il ?
  • Déterminer les résultats fondés sur des données probantes : Identifier les résultats sociaux ou environnementaux cibles et déterminer si les recherches et les données existantes permettent de vérifier que les résultats sont réalisables et mesurables.
  • Estimer la valeur économique de ces résultats pour la société : Choisir une étude d’ancrage qui fournit une base de données probante et utiliser la recherche économique pour attribuer une valeur monétaire au changement social ou environnemental prévu.
  • Ajustez en fonction des risques : L’IMM utilise une formule de « réalisation de l’impact » qui actualise la probabilité d’atteindre la valeur sociale ou environnementale projetée.
  • Estimer la valeur finale : Estimer la probabilité que les personnes atteintes et la valeur sociale ou environnementale créée se poursuivent pendant cinq ans après la fin d’un investissement.
  • Calculer le rendement de chaque dollar investi : Il s’agit de prendre la valeur sociale totale projetée créée par l’investissement et de la rendre proportionnelle à la participation de l’investisseur.

Exemple : un IMM de 8X signifie un rendement social ou environnemental de 8 $ pour chaque dollar investi.

Compte tenu du nombre d’hypothèses et de choix en jeu, l’IMM ne prétend pas fournir un chiffre définitif sur le rendement du capital investi. Il doit être considéré comme une estimation utile de l’ampleur potentielle du changement social ou environnemental d’une entreprise, et non comme un calcul précis.

 

Le système “Anticipated Impact Measurement and Monitoring” (AIMM)

En 2017, l’International Finance Corporation (IFC) a développé un outil d’évaluation d’impact ex ante, intitulé “Anticipated Impact Measurement and Monitoring” (AIMM) [système de mesure et de suivi de l’impact attendu] . Cet outil vise à définir, mesurer et suivre l’impact de  projets dans le domaine du développement.

Ce système évalue l’impact d’un projet de développement selon deux dimensions :

  • Résultats du projet :
    • Effets directs d’un projet sur ses parties prenantes (employés, clients, fournisseurs, communauté) ;
    • Effets indirects et induits sur l’économie et la société en général ;
    • Effets sur l’environnement (ex : biodiversité, émissions GES, adaptation au changement climatique, etc.
  • Résultats en termes de marché : potentiel d’un projet à générer des changements systémiques et sectoriels qui améliorent la compétitivité, la résilience, l’intégration, l’inclusion et la durabilité du marché.

 

L’IFC a développé plusieurs cadres sectoriels. Ils constituent un guide étape par étape pour l’évaluation des projets et fournissent un cadre analytique pour faciliter l’interprétation des résultats attendus d’un projet et sa contribution à la création de marchés. Ces cadres permettent l’attribution de notes dans quatre domaines :

  • Besoin (“Gap”) : Quelle est l’ampleur du problème que l’IFC cherche à résoudre ?
  • Intensité : Dans quelle mesure le projet contribue-t-il à la solution ?
  • Potentiel d’impact : Sur la base du problème identifié et de la contribution, quel est le potentiel de produire les effets souhaités ?
  • Probabilité : Quelle est la probabilité que le projet produise les effets souhaités ?

 

Chaque résultat de développement revendiqué dans les projets de l’IFC est explicitement lié à un ou plusieurs indicateurs de suivi et fait l’objet d’un suivi régulier pendant la supervision du portefeuille. En suivant ces indicateurs, le système AIMM relie les évaluations des projets aux résultats de la mesure des résultats en temps réel.

 

Le suivi de l’impact permet à l’IFC de :

  • Suivre et reporter sur les attentes fixées ex ante en matière d’impact tout au long du cycle de vie du projet ;
  • Développer une démarche itérative de transmission de l’information pour faciliter les actions correctives sur les projets évalués ;
  • Consolider les enseignements tirés des projets de développement financés et évalués pour améliorer la sélection et la conception des projets futurs.

 

 

Retrouvez tous les mois notre veille internationale sur l’évaluation d’impact social sur la page LinkedIn du Labo. Des questions ? Des propositions de contributions ou des solutions pour l’évaluation d’impact social ? Contactez-nous via louis.raynauddelage@essec.edu ou  leclerc@essec.edu

 

Note de Veille rédigée par Louis Raynaud de Lage, sous la direction de Thierry Sibieude et d’Elise Leclerc et avec la contribution de Clara Cohade.